Mon Avis : Sorti en 2014, je suis passée complètement à côté du titre Un éclat de Givre de l'autrice. Et pourtant, c'est par ce livre, qu'Estelle Faye nous fait découvrir un Paris post-apocalyptique où évolue le personnage Ô combien intéressant de Chet et de son alter ego Thaïs. La preuve s'il en est qu'Un Reflet de Lune peut se lire indépendamment du premier titre : je l'ai lu, dévoré et particulièrement apprécié. Force est de constater que la nouvelle maison d'édition pour Chet, à savoir ActuSF (Les Moutons Electriques pour la version grand format d'Un éclat de Givre) a fait les choses en grand. En très grand même. Et surtout très beau. Le petit bijou est dans un écrin cartonné, pelliculé et aux reflets dorés des plus accrocheurs. Rien que pour la forme, chapeau bas. Mais nous sommes surtout là pour parler contenu. Et contenu, indéniablement il y a ! Moi qui ne connaissais pas l'univers, j'ai été happé par l'action. Car dès les premières pages, on découvre (ou retrouve) le personnage de Chet en très mauvaise posture. Il commence par manquer de se noyer dans la Seine et se retrouve emberlificoté dans une foultitude d'événements qu'il n'avait pas prévu et dont il fait, bien malgré lui, les frais. Le rythme est effréné, on traverse ce Paris version post-apo au pas de courses, allant d'Opéra au Jardin des Plantes en passant par ce qui reste du métro. Les chapitres plutôt courts s'enchaînent avec facilité et il faut dire que les quelque 300 pages ne font pas long feu. Ce n'est pas tant l'action qui m'a fait le plus tenir ce rythme, mais bien l'envie d'en savoir plus sur Chet, sur ce personnage si complexe, si complet. Chet est le premier personnage en SFFF que je croise qui s'avère être ouvertement bisexuel et transformiste. Et ça m'a fait du bien de découvrir quelque chose de neuf. Un personnage aussi libre, c'est peu donné surtout quand on lit majoritairement de la fantasy aux relents médiévaux... Les chevaliers et autres mercenaires, ça se déguise rarement en princesse ! Je fixe le pied de tabouret dans ma main comme si je ne l'avais jamais vu. Plutôt un bel objet, en bois blond couleur miel, ciré, chantourné... et ébarbé sur le haut, là où je l'ai arraché à son meuble. [...] Un peu de sang goutte sur les ébarbures, quelques touches raisinnées. Je n'ai brisé le crâne de personne. Enfin, j'espère que... Chet est libre et ça donne une bouffée d'air frais. Et puis il y a donc son alter ego : Thaïs. C'est elle qui donne le petit côté jazzy que bon nombre de chroniqueurs et autres lecteurs soulignent. Alors oui, l'ensemble est effectivement saupoudré de jazz, la musique est présente - bien que trop peu selon moi - et les ambiances des soirées sont indéniablement dans la même mouvance. Et puis il y a le cœur de problème, ce qui nous fait (normalement) tenir sur la longueur : le fil rouge, l'enquête. Bon entre nous, l'enquête menée par Chet (malgré lui n'oublions pas) n'est que prétexte à parler... de Chet. Un Reflet de Lune n'est clairement pas un polar pour qui se poserait la question, c'est un roman plus intimiste qui se déguiserait en polar. Cette partie enquête est assez peu exploitée et la résolution est effectuée en quelques lignes à peine, montrant à quel point ce n'était pas le propos. Alors certes, j'ai dû passer à côté de quelques références en n'ayant pas lu Un Eclat de Givre. Mais bon nombre de "début de quelque chose" avortent avant d'avoir permis au lecteur d'avoir eu le début d'une réponse. Dommage, j'aurais bien aimé connaître un peu plus ce Galaad, dont Chet nous a rabattu les oreilles pendant 120 pages (sur 320, je vous laisse imaginer). Et pareil pour le Deus Ex Machina, je ne suis pas fan du tout de ce procédé. Au final, j'en aurai sorti du très bon (le personnage de Chet, de Thaïs, le Paris post-apo pluvieux et un peu cracra), mais quelques éléments viennent un peu égratigner mon ressenti global. En Bref : Un personnage atypique qui tient son lectorat dans ce récit intimiste. Une ébauche de polar dans un monde post-apocalyptique, Un Reflet de Lune nous entraîne dans un Paris pluvieux des plus oppressants. Un bon moment de lecture vous attend dans ces pages.
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Infos utiles : Nationalité de l’auteur : Française Éditeur : Actusf – 405 pages Genre : Fantasy Ean : 9782376863045 Prix : 19.90 € Acheter ce livre : Directement chez l'éditeur – Papier – Numérique Mon Avis : Réédition d’une série publiée en 2011 aux éditions Midgard, AstuSF offre une seconde vie, dans le cadre de la rentrée de la fantasy française, aux Énigmes de l’Aube. Avec ce Premier Souffle, Thomas C. Durand signe un premier tome mêlant quête initiatique, magie et comédie. Harry Potter, me direz-vous… Mais en fait pas tant que ça. Si l’histoire se déroule bien dans une école de magie, la jeune héroïne n’a pourtant rien à voir avec le héros à la cicatrice. Anyelle, du haut de ses 9 ans va se confronter aux injustices liées à son statut de fille et à sa pauvreté. Prise de haut, jugée inutile, méprisée par ses camarades de classe, tout ou presque y passera. Les inégalités qui se glissent dans le roman sont bien évidemment là pour dénoncer les déviances de notre société et pour tout dire j’ai trouvé ça joliment ciselé. Le livre se lit vite, je n’irai pas jusqu’à le qualifier de page turner, mais l’on en est pas loin. L’auteur use de chapitres assez courts entrainant un rythme soutenu. Mais c'est surtout par le côté comique, que l’on retiendra ce roman. Véritable héritage de Pratchett, dont l’auteur ne se défends pas d’être un fervent admirateur, les Énigmes de l’Aube offre un côté ridicule à la magie et qu’est-ce que ça fait du bien ! Des pouvoirs risibles, aux noms loufoques en passant par des aberrations situationnelles Thomas C. Durand nous sert ici un ouvrage qui tirera un sourire à qui y sera sensible. Et ce fût, fort heureusement, mon cas. Cela dit, il y aussi quelques « fausses » notes, légères certes mais à souligner. L’auteur n’a pas à mon sens prit en compte l’âge de son héroïne. Par moment, Anyelle nous donne l’impression d’avoir passé la majorité depuis belle lurette pour offrir des réflexions dignes d’un vieux sage… Et puis, il y a la raison de ses choix, notamment un, qui va induire toute la fin du récit. J’ai eu du mal avec le fait qu’une enfant de 9 ans décide de son avenir par le truchement d’une amourette. Ça détonne quelque peu avec ce que nous a fait voir l’auteur de la jeune héroïne depuis le début du récit (un caractère fort, indépendant et à qui on ne dicte pas la conduite…). En Bref : Si à la lecture de la quatrième de couverture vous vous dites qu’il s’agit d’un nouveau Harry Potter, vous ne pourrez pas plus vous tromper ! Les Énigmes de l’Aube tire plus vers les Annales du Disque-monde (T.Pratchett) sauce Sacré Graal (Monty Python). Un livre au rythme enlevé, qui se lit vite, avec une héroïne au caractère bien trempé. Quelques bémols cependant dans la gestion du personnage principal sont à noter mais n’enlève rien à la globalité de l’ouvrage : un bon moment de détente et de rires. Remerciements : Merci aux éditions ActuSF, notamment à Jérôme Vincent, de m’avoir permis de découvrir ce livre ! On en parle aussi chez les copains : L'Ours Inculte - Les Lectures de Doris - Nanet
Infos Utiles : Nationalité de l'auteure : Française Éditeur : ActuSF - Collection Naos - 504 pages Genre : Science-Fiction Acheter ce livre : Directement chez l'éditeur - leslibraires.fr Mon Avis : Les Abîmes d’Autremer est un space opéra estampillé jeunesse (tant par la première édition Mango, que dans la collection Naos des Indés de l’Imaginaire en version intégrale, qui regroupe : Les Abîmes d’Autremer renommée L’Elue pour l’occasion, L’Envol de l’Abîme et L’Appel des Abîmes), mais qui ravira sans doute n’importe quel lecteur de SF qui a envie de quelque chose de plus soft que de la Hard Science. Car mis à part le fait que la série met en scène des protagonistes plutôt jeunes (n’excédant pas la majorité), les thématiques et les questionnements que soulèvent ce récit, n’ont pas grand-chose à envier aux textes destinés à un public plus mature. Ainsi le premier tome, malgré ses dix-sept printemps, aborde des sujets toujours d’actualité comme la liberté de la presse, le droit à l’information et leurs limites (ou du moins si elles existent) ; la tolérance et le regard à l’autre. C’est au travers du regard acéré de la jeune Sandiane que nous allons découvrir Autremer et ses vaisseaux, les Abîmes. L’apprentie journaliste est un personnage antipathique dès les premières pages du récit, suivant dignement les traces de son père, Sten Ravna, reconnu à travers l’espace comme un journaliste à scandale, prêt à tout pour un scoop. Avec une technologie de pointe, les deux personnages découvrent des secrets cachés depuis bien longtemps par les Autremeriens. Si ces deux individus m’ont tout de suite mise en porte à faux avec la poursuite de ma lecture, l’évolution rapide de la jeune fille m’a tout de même donné envie de continuer ma lecture (et cela sans compter pour mon intérêt grandissant envers les incroyables vaisseaux spatiaux, cœur de l’intrigue). Et puis la fin du premier tome de la série est très vite arrivée… Après ses cent cinquante premières pages j’étais happée, comme une perl à son cervoeil. Les deuxième et troisième tomes ont été de véritables pages-turners et la dernière page fût bien vite tournée. Ce sont vingt-cinq années à Autremer que l’on voit passée. Vingt-cinq ans en compagnie des Maguelonne, l’incroyable famille perl de père en fils (et en fille) et des Ravna, pour qui prime l’information (même si parfois elle dépasse les limites de la décence). Vingt-cinq années durant lesquels le monde présenté au début va changer, s’ouvrant à un espace encore plus vaste qu’il ne l’était, offrant de nouvelles perspectives, des voyages de plus en plus incroyables. Un récit dynastique porté par un amour pour l’humanité et la foi en ce qu’elle pourrait entreprendre avec une espèce telle que les Abîmes (oui parce que si ce sont des vaisseaux, elles ne sont pas que cela…). J’ai adoré voir cet univers se développer. Loin des lignes temporelles habituellement usitées, Les Abîmes d’Autremer offre à voir un monde riche, qui ne cesse de s’étoffer à chaque nouveau tome. Bien sûr, on assiste à une sorte de phénomène cyclique au début de chaque opus, avec la découverte d’un nouveau personnage (à noter qu’il y a deux filles et un garçon qui sont chacun le personnage clef de son opus, les deux familles précitées étant des liants entre les individus), et sa rencontre avec les Abîmes. J’ai surtout apprécié de voir la condition de ces derniers évoluer au cours du temps, leur statut fluctuant rapidement en fonction de leurs prouesses/incartades. J’ai aussi apprécié le peu de descriptions physiques des personnages (laissant libre cours au lecteur de s’en faire une image virtuelle) et le large développement des relations interespèces qui s’opèrent. L’auteure va droit au but, ne s’encombrant que moyennement de fioritures dans son écrit (et c’est mieux à mon sens, quand le public de destination est plutôt jeune), même si certains termes sont un peu complexes au départ. En Bref : une excellente lecture que ces Abîmes d’Autremer. Un récit que j’aurai adoré lire plus jeune (à sa sortie par exemple) mais qui ne m’a cependant pas empêchée de l’adorer avec mes quelques années de plus. Un récit humaniste, empreint de découvertes spatiales et de rencontres avec l’Autre, portant haut des questions comme les limites du droit à l’information, la manipulation médiatique et les joies des shows-télés (aha). Le tout servi par la plume épurée de Danielle Martinigol : pour moi, c’est un grand oui !
Mon Avis : Acquis il y a plus de deux ans, j’ai découvert Navarre/Raphaël, non par ce titre-ci mais par la série dédiée à Agnès, avec les titres L’Héritière et Alouettes. Un vampire mystérieux à souhait avec des petites manies qui ont facilement titillées ma curiosité. J’ai donc apprécié retrouvé ce personnage, non pas comme personnage secondaire, mais comme « héros » de ces quelques nouvelles. De nouvelles facettes se sont offertes à moi, ô combien surprenantes mais tout à la fois intéressantes. J’avoue avoir eu bien du mal à cerner complètement le vampire, tant par le fait qu’il soit très changeant (dans l’humeur et les réactions) et que les périodes historiques dans lesquelles s’installent les histoires sont présentées de manière non chronologique. Ainsi l’on traversera la ville de Rio, version post-Seconde Guerre Mondiale et en plein carnaval, mais également la Méditerranée et une île oubliée, ainsi que l’espace lui-même… Joyeux bordel donc, mais tout à fait organisé ! Comme précisé dans la postface, signé Jean Marigny, l’auteure ne s’encombre pas des qualifications de genres, et installe son personnage aussi bien dans un univers de fantasy [avec Lance], que de fantasy urbaine (fantastique dirons-nous) [avec Métaphysique du Vampire] que dans de la SF [avec Ovogenèse du vampire et La Fontaine aux Serpents]. Mais quel que soit le genre « choisi », l'auteure réussit à présenter des univers riches, denses et cohérents et à conserver le côté cynique de son personnage principal quel que soit les circonstances. L'écriture de l'auteure est comme celle que j'avais rencontrée précédemment, incisive, directe et prend à partie, juste ce qu'il faut, le lecteur. Elle ne s’encombre pas de palabres quand il s’agit de rentrer dans le dur (ou dans le mou des ennemis…) des sujets, avec des rapts et séquestrations d’enfants, ou dans la présentation de scène de combats – aussi violents que rapides. Finalement l’auteure pointe du doigt que les monstres ne sont pas toujours ce qu’on croit (la forme romantique du vampire est tout de même maintenue dans ce récit, malgré les clichés défoncés à grand coup de truelle). Une très bonne lecture qui donne envie de découvrir plus avant ce personnage trouble (et troublant) !
Mon Avis : De Sylvie Lainé, je n’avais apprécié jusque-là que ces interventions lors des conférences aux Utopiales, femme posée aux interventions mesurées et intelligentes. L’Opéra de Shaya m’avait attiré à sa sortie, mais je n’ai finalement pas sauté le pas. C’est donc avec Fidèle à ton Pas Balancé – condensé de l’activité de l’auteur de ces 30 dernières années – que je la découvre. Et quelle découverte ! L’objet livre en lui-même est superbe et offre un plus non négligeable pour la bibliophile que je suis. La sur-jaquette est aussi blanche que la couverture rigide est noire et l’intérieur superbement décoré par Gilles Francescano, dont les traits de dessins monochromes s’allient à merveille avec les propos de l’auteur. Quant au contenu ce sont 26 textes, issus de trente années de création, qui sont compilés en parties en fonction de l’« ampleur des projets et du contexte », et non chronologiquement comme on pourrait s’y attendre. J’ai surtout eu l’impression que les regroupements des nouvelles formaient un tout cohérent, avec des thématiques parfois semblables ou bien justement de parfaites opposées. L’œuvre est riche, les nouvelles courtes (exceptions faites de L’Opéra de Shaya et de Les Yeux d’Elsa), les messages distillés çà et là sont autant de déclarations de tolérance, d’amour, de paix. Par une plume poétique et scientifique (dans sa précision), Sylvie Lainé arrive à nous transporter dans ces univers qu’ils soient fictifs ou bien réels (à l’image des rues de Brest ou de Metz) et offre à voir une galerie de personnages richement humains. « Humains » cela peut paraître bien paradoxale quand l’un des personnages s’avère être du sable ou une planète… Mais ce sont surtout les comportements empathiques ou les approches métaphysiques qui caractériseront le mieux les personnages de l’auteure. Concernant les intrigues, c’est sans doute la non-violence des récits – loin des batailles intergalactiques si souvent relatées dans les space opéra – qui transporte le plus et amène le lecteur vers un sentiment de plénitude, tout à fait bienvenue ces temps-ci. Le nombre de sujets abordés est tel, que vous en faire un listing serait laborieux et rébarbatifs, tout ce que le recueil n’est pas. Toutes les nouvelles m’ont touché, à des degrés différents certes, mais il me serait impossible de vous parler d’une en particulier. De la nouvelle Le printemps des papillons, où une libraire souhaite dompter ces petits êtres ailés afin d’envoyer des messages : un brin étrange comme concept mais tellement poétique ; à la nouvelle Un brin d’herbe où les rencontres amoureuses ne sont pas forcément ce qu’elles paraissent être et où le bonheur peut se révéler et s’épanouir dans un univers figé ; en passant par La Mirotte, qui permet à un aveugle de recouvrer la vue, une nouvelle de génie qui aborde la perception du monde d’un individu à l’autre ; TOUTES SONT FORMIDABLES. Et bien entendu les deux novellas que sont L’Opéra de Shaya et Les Yeux d’Elsa, plus denses que les autres, sont autant de récits immersifs dans des sujets semblables : le premier s’attache à la découverte d’une planète et à la mutualisation existant entre les espèces (qu'on qualifie aussi d'échanges avantageux) dans un univers constamment en mouvement, le deuxième à un monde dans lequel les dauphins génétiquement modifiés sont esclaves de sociétés en bâtiments. Les deux s’intéressent toutefois à la relation inter-espèces et aux conséquences éventuelles que cela peut impliquer. À la fermeture du recueil, j’ai surtout ressenti le besoin de parler coexistence inter-espèce et de promouvoir le vivre ensemble autour de moi. J’ai aimé tout ce qui se racontait sous mes yeux : les rencontres amicales ou amoureuses, les échanges, les découvertes scientifiques, les améliorations d’espèces, le temps qui passe, les événements métaphysiques (toute une histoire de bulles), mais aussi les événements moins "joyeux" comme l'immobilisme forcé, l'amour non partagé, l'amour dévorant… Moi qui ne relis jamais un titre deux fois, c’est sans conteste que je me replongerai avec délectation dans les nouvelles de Sylvie Lainé ! En bref : Fidèle à ton Pas Balancé est une pépite dont chacune des nouvelles se savoure avec attention. Des univers relevant de la science-fiction – et pas que – qui pourraient permettre aux non lecteurs de ce genre d’enfin s’y intéresser. C’est beau, poétique et le tout est servi dans un superbe écrin à prix tout doux pour un recueil de cette ampleur (20 €)… Que demander de plus ? D'autres avis : Phooka (Bookenstock) - Simon Krug (Les Inrocks) - Soleil (Les Chroniques de l'imaginaire)
Mon Avis : Boudicca est le deuxième roman de Jean-Laurent Del Socorro, et s’installe non pas à Marseille comme l’avait été l’excellent Royaume de Vent et de Colères, mais dans une Angleterre vieille de deux mille ans. On y retrouve le peuple celte et plus précisément l’histoire méconnue de la reine Boudicca. L’auteur s’est basé sur la légende de cette reine celte en y insufflant un soupçon de merveilleux par le biais des rêves mystiques qu’ont les personnages. J’ai ouvert le livre pour ne plus le refermer tant le récit m’a happé de la première à la dernière page. Se découpant en trois grandes volutes, qui correspondent autant à des tranches de vie de l’héroïne, le roman se dessine du point de vue de Boudicca elle-même. Habillement tissée par l’auteur, la vie de Boudicca se forge principalement dans le sang et l’apprentissage de la soumission, et c’est ce récit qui nous est conté. Elle grandit au sein de son peuple, apprenant autant à manier la lance et le bouclier que la langue. C’est ce dernier point qui m’a le plus captivé. Le langage revêt dans ce récit des atours tenant du sacré. Et c’est par l’éducation dispensée par le druide Prydain que la jeune reine apprend la force des mots, qu’ils soient dits ou non. Elle connaîtra des échecs et des victoires qui la feront grandir, évoluer et finalement rayonner d’une aura telle, que son nom sera murmuré sur son passage par le peuple celte tout entier. Outre la guerrière, la galerie de personnages permet l’évolution du personnage, apparaissant et disparaissant au gré des batailles ou des maladies. En plus de Prydain, des personnages comme Antedios, le propre père de Boudicca, Ysbal la femme aux trois maris et garde du corps de la reine dès sa naissance ou encore Caractacos, fils de Cunobelin (un ennemi d’Antedios), trophée du peuple des Icènes et finalement brater de Boudicca ; sont autant d’éléments qui vont permettre la maturité de la jeune fille par des enseignements tenants surtout de l’affect. Antedios ne lui montrera jamais à quel point il l’aime, Caractacos avec qui elle grandit, ne sera qu’un opposant durant son adolescence et Ysbal sera finalement la seule figure maternelle que la jeune femme aura eue dans sa vie. Enfin Pratsutagos et Jousse, un mari et une amante, seront les seuls êtres à lui donner l’affection que son père n’aura pas su lui prodiguer. J’ai trouvé le récit moins haché dans sa forme que le premier roman de l’auteur et bien plus empli d’actions. Cela dit, aller à l’essentiel semble une caractéristique qui colle parfaitement au style de l’auteur et l’univers reste immersif et prenant malgré cette épuration. Le rythme est soutenu, bien que la vie de Boudicca soit parsemée de nombreux moments de répit. Au final, la seule chose qui m'ait perdu est la nouvelle présente après le roman, une nouvelle qui n’a rien à voir avec celui-ci (du moins je n’ai pas réussi à relever le lien), mais qui ne manque cependant pas d’intérêt. En bref : Jean-Laurent Del Socorro signe un deuxième roman des plus marquants, bel hommage à une reine celte méconnue. Cette biographie romancée mène le lecteur sur les traces d’une enfant, devenue femme puis mère et qui n’a jamais cessé d’être guerrière. La galerie de personnages foisonnante permet de faire grandir l’héroïne dans un univers ciselé avec soin. J-L Del Socorro : un auteur à suivre ! D'autres avis : L'Ours Inculte - Samuel Ziterman (chez Lecture 42)
Mon Avis : N’ayant pas lu la quatrième de couverture du roman, me doutant vaguement que Gardner Dozois allait nous entraîner sur un terrain science-fictionnesque, je ne savais pas à quoi m’attendre avec L’Étrangère. La couverture – sobrement classe – laisse entrapercevoir une romance de l’imaginaire, « interraciale » avec un homme et une extra-terrestre. Ce qui est exactement le cas. Cependant pour en arriver là, Gardner Dozois avance pas à pas, nous présentant d’abord la rencontre des deux êtres et une contextualisation assez précise du déportement des quelques humains sur cette planète. J’y ai retrouvé avec plaisir des êtres que j’ai déjà pu croiser dans Le Chasseur et son Ombre (dont le texte a été co-écrit avec George R.R. Martin et Daniel Abraham), avec les personnages des Enye(s). Ensuite vient la romance, et je dois avouer que j’ai ressentie une sorte de description un peu froide des événements, scientifique presque. Au départ cela m’a un peu déroutée, puis je m’y suis faite et j’ai vraiment apprécié cet angle, qui change totalement des récits de ce genre. L’aspect clinique donne une toute autre dimension au récit et à l’histoire qui se joue sous nos yeux. L’Étrangère, c’est un peu l’histoire de Pocahontas transposé dans un univers SF. Le beau John Smith est ici un Joseph Farber un peu fatigué par la nouvelle planète qu’il doit « coloniser » et la jolie indienne est représentée par Liraun Jé Genawen, s’avérant tout aussi mystérieuse que Pocahontas. La transposition est excellente, et l’on se met à réinterroger une énième fois le « bien » fondé de l’apprentissage et de l’appropriation de la culture étrangère. D'autres thématiques abordées m'ont fait tantôt frémir, tantôt rire jaune : la modification génétique de l'Homme via les technologies extraterrestres, les questions de religion et jusqu'où sont prêt à aller des adeptes pour complaire aux dieux... C'est une magnifique histoire d'amour entre un humain et une E.T. que nous propose Gardner Dozois, auquel s'ajoute tout l'intérêt de la science-fiction (enfin de mon avis), une reconsidération de l'Histoire ou des choix de l'humanité. Une fin sublimement amenée, toute triste qu'elle est, à l'image de l'histoire de l'Amérindienne. En Bref : J'ai passé un excellent moment de lecture avec L'Étrangère. J'ai retrouvé Gardner Dozois avec un plaisir auquel je ne m'attendais pas moi même. On a là une romance extraterrestre qui sort des sentiers battus et qui se révèle des plus agréables ! À découvrir.
Mon Avis :
Après un Fées, Weeds & Guillotines captivant, j’avais hâte de me replonger dans un roman de Karim Berrouka. Le titre de ce nouveau roman étant des plus prometteurs, je me délectais avant même de démarrer, des rires qui me seraient arrachés. Comme son nom l’indique si clairement, nous suivrons au cours du récit une bande de punks installés en plein Paris dans une vieille maison désaffectée avec leurs chiens, leurs diverses drogues et surtout leurs instru’ et autres amplis pour emmerder les voisins. Seulement voilà alors que tout va bien (ou à peu près) dans le Collectif, voilà que l’humanité par à vau l’eau : les hommes et femmes adeptes du métro, boulot, dodo se transforment très rapidement en zombies. De l’originalité dans des choses archi-rabâchés, c’est tout de suite ce que j’ai pensé en démarrant ce titre. Et ça fait un bien fou ! Après n’étant pas une adepte de « ni dieu, ni maître », j’avoue avoir eu quel difficulté à m’attacher pleinement aux divers héros-punks. De la nénette végétarienne, aux punks à chiens, en passant par l’adepte du communisme ; j’ai eu du mal à « m’identifier » à un des personnages. Et je dois avouer que cela ne s’est pas amélioré, surtout quand le trip divin commence avec l’un des personnages. Puis quand tout s’enchaîne et que les sept personnages se mettent à avoir des hallu’… j’ai un peu soufflé trouvant qu’il y avait trop de redondance dans le récit (surtout ces visions, qui arrivent à chacun des personnages. C’est dommage, car c’est une bonne idée, mais ici elle est utilisée à outrance, j’ai trouvé que l’auteur en usait un peu trop). La religion et les punks, les punks et les zombies, la rédemption, etc. ça fait beaucoup de thématiques abordées dans ce livre. Le tout est très étoffé, très drôle aussi (il faut bien le dire) mais j’ai tout de même eu quelques passages qui m’ont un peu moins accroché que dans le reste du récit. En Bref : Un auteur dont j'avais déjà apprécié un titre, un humour décapant dans un univers post-apocalyptique zombiesque (avec un rapport à la religion qui change des habitudes du genre). Mais pour moi, le récit comporte un peu trop d'exagération par moment. Une bonne lecture dans l'ensemble.
Infos Utiles : Nationalité de l’auteur : Française Editeur : AstuSF – 440 pages – 57 chapitres Genre : Urban Fantasy Acheter ce livre : directement chez l’éditeur – Papier – Numérique Ma chronique sur le tome 1 Mon Avis : Après un premier tome très intéressant, me voici plongée dans la suite des aventures d’Agnès Cleyre. Si vous me suivez un peu, vous avez sans doute remarqué que lire une suite si tôt après le tome précédent n’est pas dans mes habitudes de lectures, mais pour Agnès Cleyre (et Jeanne-A. Debats) je pouvais bien faire un effort ! Dans Alouettes, on retrouve – avec plaisir – notre héroïne, Agnès, quelques trois années après l’avoir laissé dans l’opus précédent. On a un très rapide récapitulatif de sa vie (ou de son absence de vie, au choix) pendant cette période, et de ses pratiques… ou plutôt de ses réflexions sur ses propres pratiques. Au moins, l’auteur donne le ton, ce tome-ci sera ‘légèrement’ plus sexué que le tome précédent. [Et attention, j’entends par là qu’on aura les réflexions sur la sexualité de l’héroïne et un aperçu de ses désirs les plus fous et pas un flot constant et intarissable d’activités sexuelles étouffant par là-même l’intrigue]. Mais ce qui m’a marqué dans ce roman, c’est sans doute l’évolution de l’héroïne. Elle a dépassé le stade de la jeune fille perdue qu’elle était dans le tome précédent, elle sort peu à peu de la phase de reconstruction de sa vie (suite aux événements survenus précédemment). En clair, elle évolue devient bien plus femme qu’elle ne l’était. Les sujets abordés autour de la femme s’ont autant de sujets relégués généralement bien loin dans les considérations prioritaires… Pour ne citer qu’eux, le surpoids et le deuil ne sont qu’assez peu traité (ou rapidement mis sous silence). On ne déclare pas son amour immortel moins d’une heure après avoir baisé : confondre la reconnaissance du ventre avec l’éternité est la preuve d’un absolu mauvais goût. Autant j’avais trouvé que l’Héritière avait mis un tout petit peu de temps à démarrer, autant dans Alouettes, le cœur de l’intrigue arrive plus rapidement. Et si le premier offrait des créatures fantastiques assez classiques (vampires, sorcières et loup-garous, exception faite des sirènes), je dois dire que ce tome donne une galerie bien plus exotique ! En premier lieu, les clients qui arrivent dans le cabinet notarial de nos personnages principaux sont des Roméo et Juliette de l’AlterMonde : un vampire et un kitsune. Deux espèces aussi éloignées que leurs familles se haïssent… Les kitsunes font parties des créatures venues d’Asie, des sortes de renards immortels. D’ailleurs l’œuvre de Shakespeare est vraiment au cœur du récit. Toute l’intrigue est construite autour de cette idée des amants maudits, mais au lieu de ne faire qu’une toute petite référence dans son texte, Jeanne-A Debats s’amuse et joue sur les raisons de cet amour impossible, démultiplie les situations et offre ainsi une situation des plus cocasses. On retrouve avec plaisir le reste des personnages que nous avions laissé dans le tome 1. J'ai trouvé Navarre un peu plus distant dans une bonne part du récit, il reste pour moi un personnage un peu nébuleux dont on ne sait pas grand chose, mais qui m'intrigue au plus au point (bon ça tombe bien j'ai Métaphysique du Vampire dans ma PAL), Géraud est plus exigent et intransigeant et Zalia est fidèle à elle-même (si ce n'est qu'elle nous paraît bien moins superficielle suite aux quelques informations qui nous sont distillées). Les quelques nouveaux personnages sont intéressants et permettent des situations inédites dans la vie d'Agnès et lui permettent d'avancer. Dans l’Héritière je vous disais que les références historiques imprégnaient le récit, l’intrigue s’y prêtant à merveille. Ce coup-ci, l’intrigue n’avait pas vraiment besoin d’un appuie historique, mais les références toucheront inévitablement le lecteur, Agnès se retrouvant sur les lieux des attentats de Paris… Finalement c'est le développement du monde qui a été un des points que j'ai le plus apprécié. On découvre notamment que la technologie a grandement évolué en l'espace d'une dizaine d'années (l'intrigue se déroulant dans un futur proche) et que certaines choses perdurent malheureusement dans les rues de Paris (au grand dam des femmes en surpoids)... En Bref : Le roman Alouettes est bel et bien dans la lignée de l'opus précédent l'Héritière, si ce n'est qu'il offre un regard plus mature de l'héroïne, Agnès Cleyre, sur sa vie et le monde qui l'entoure. Les questions et les enjeux ne sont d'ailleurs pas du tout les mêmes ce qui permet d'avoir un tout autre regard sur le texte de Jeanne-A Debats. Prenant de la première à la dernière page, je suis une nouvelle fois séduite par l'univers de l'auteur !
Mon Avis : Je ne sais pas qui, de l’auteur ou de la thématique générale du roman, m’intriguait le plus avant de me lancer dans L’Héritière. Il faut dire que l’urban fantasy et moi, on est copine par intermittence (la bit-lit s’en rapprochant et ayant grandement entaché mon avis sur le merveilleux monde des vampires), heureusement qu’il existe des récits de cette trempe pour me redonner foi ! En ce qui concerne Jeanne-A Debats, et bien la femme m’a grandement intriguée lors de quelques conférences aux Utopiales, et je n’avais pas résisté d’acquérir Métaphysique du Vampire sans pour autant m’y plonger immédiatement. Et me voici à vous parler, non pas de ce titre mais bien de L’Héritière, premier tome d’une série relatant les aventures d’Agnès Cleyre. La vie de la jeune femme n’a rien de bien reluisant quand on la rencontre au tout début du roman. Enfin, si on peut appeler ça une vie… Recluse dans une maison depuis plus de vingt ans en compagnie de sa mère et son frère, Agnès devait se préserver du monde extérieur et des créatures fantomatiques qui entourent les lieux et les personnes qu’elle pourrait y croiser. Mais sa famille est décédée et rien ne va plus dans sa vie. À peine les quelques premiers mots lus, et le lecteur se retrouve happé par ce roman. Le premier chapitre montre à quel point l’auteur a de l’esprit et aime jouer avec les codes : l’héroïne voit des fantômes mais n’arrive pas à s’en débarrasser, alors qu’elle est une sorcière ? Qu’à cela ne tienne : elle boira ou se droguera pour s’embrumer l’esprit ! Et puis une visite dans le cimetière du Père Lachaise, en pleine nuit, bourrée et en talon de dix centimètres semblait le moment idéal pour aller visiter la tombe de sa famille. Autrement dit Jeanne-A Debats met son lectorat dans l’ambiance. Et puis l’intrigue démarre, au début c’est un peu brumeux, il faut dire qu’on est dans la tête d’Agnès et que rien n’y est clair. Elle effectue en premiers lieux de menus travaux au sein de l’entreprise notariale de Géraud, son oncle, et se familiarise avec son nouvel environnement, un bon moyen à mon avis de mettre le lectorat plus à l’aise dans cet univers, qui s’il semble très réel abrite pourtant quelques surprises… Je vous parlais de fantômes précédemment, et ils ne sont pas les seuls à peupler le Paris de Jeanne-A. Les vampires, les loups-garous et, fait bien plus rare, les sirènes côtoient des sorciers/ières dans les rues de la capitale. Si toutes ces créatures vous donnent en tête des images bien précises, l’auteur s’amuse ici avec les codes les concernant pour servir son univers. Je ne vous en dirai pas plus, cela pourrait entacher certaines surprises qu’offre le récit. Une fois tout cela posé, vient le nœud du récit, le cœur de ce que va constituer la trame principale, la « quête ». Bon dans ce cas précis, il s’agit de retrouver le descendant direct d’une famille – d’une dynastie ? – qui remonte à Charlemagne… autrement dit, il va falloir chercher ! Outre l’humour qui parsème ce roman, il est donc empreint de références historiques nombreuses, retravaillées façon vampire – encore que – et ce, à différentes époques. En chemin vous pourrez vous attacher au beau et séduisant, Navarre, personne ô combien intriguant (et dont il me tarde d’en apprendre plus dans Métaphysique du Vampire dont il est, d’après ce qu’on m’a dit, le personnage principal) ; vous jouer de Zalia et de son amour pour les salles de bains ; parler histoire avec Jacques, le loup-garou, ou bien avec Géraud ; ou encore rire des idées d’Azraël. Une galerie de personnages marquants, et marqué par une truculence qui fait du bien. Et comme dans tout récit, il y a quelques méchants… Là je dois dire que j’ai été largement surprise par l’évolution des relations entre les protagonistes et par les issues de l’intrigue. Et j’ai vraiment apprécié le fait que le personnage d’Herfauges soit nuancé au cours du récit. En tout cas, je ne sais pas vous, mais l’histoire m’a donné envie de manger du chamallow… À voir si l’envie me passe dans la suite des aventures d’Agnès : Alouettes. En bref : De l’originalité dans la réutilisation des créatures qui pourtant auraient tendance à ne plus surprendre, une galerie de personnages riches en couleurs et en nuances, un univers fourni et un humour présent dans quasiment chacune des pages, je ne peux que vous conseiller L’Héritière (si tant est que vous n’ayez pas peur des fantômes). |
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