Infos utiles : Nationalités des auteurs : Française Éditeur : Mnémos – 508 pages Illustratrice de couverture : JungShan (deviantart) Genre : Fantasy Prix : 22 € Acheter ce livre : Chez l'éditeur – Chez votre libraire Mon Avis : Les éditions Mnémos redonnent la possibilité à cette série française d'atteindre un nouveau lectorat en rééditant, pour la seconde fois, Le Rêve et l’assassin, L’Araignée, Le Souffle de cristal, Le Masque d’écailles sous un seul et unique titre : Le Jeu de la Trame. Parue initialement entre 1986 et 1988 dans la mythique collection "Anticipation" des éditions Fleuve Noir, cette fresque de fantasy aux inspirations nippones entraine son lecteur dans une quête aux quatre coins du pays créés par le duo Sylviane Corgiat et Bruno Lecigne. Si l'on démarre par une liaison assez étrange et pour le moins dérangeante entre Keido et sa sœur Kirike, ce ne seront que les prémices d'une aventure folle en quête de bouts de tissus aux pouvoirs magiques incroyables. L'objectif de Keido, sans ne rien vous en dévoiler de plus que ne le fait la quatrième de couverture, est de ressusciter sa défunte sœur pour leur permettre de vivre leur amour au grand jour. S'ensuit donc une quête (que l'on voit venir à des lieux à la ronde) qui sera autant de trame pour chacun des quatre titres rassemblés ici. On opposera sans doute aux auteurs la redondance de la trame narrative, car chaque ouvrage est construit sur un plan particulièrement similaire au précédent. Mais ils ont tout de même réussi le tour de force de proposer quelque chose de neuf dans chacun des récits tout en gardant cette même formule.
Car Keido n'évolue pas sur archipel, traverse des contrées désertiques ou gelées ce qui ne fera pas écho aux connaissances du lecteur quant à un Japon probable. En outre, la Muraille de Pierre symbole important dans le récit fait somme toute écho à une autre Grande Muraille bien connue, mais chinoise elle ! Autrement dit, si vous vous lancez dans Le Jeu de la Trame, ne vous attendez pas à un ouvrage sensiblement dépaysant et vous entrainant au Japon : il n'en sera rien. Outre le paysage, il nous faudra bien un anti-héros pour nous tenir un tant soit peu en haleine. Keido est LE pire des salopards que j'ai eu l'occasion de rencontrer en fantasy. Et je pèse mes mots. Même Benvenuto Gesufal (Gagner la Guerre, Jean-Philippe Jaworski) ne lui arrive pas à la cheville. A loisir choisissez ce que vous voudrez mais voilà tout ce qui vous attendra avec ce personnage : parricide, meurtres, viols, inceste, mensonges, trahisons... Je vous laisse imaginer ô combien cet anti-héros deviendra antipathique au fur et à mesure de la lecture. Car n'espérez point de rédemption ou d'amende honorable de sa part, il n'aura aucun regret et continuera sa quête jusqu'à la fin quoi qu'il en coûte. Et pourtant, le lecteur aura l'envie de poursuivre sa lecture malgré un personnage principal aussi méprisable, ne serait-ce que pour savoir s'il parviendrait au bout de sa quête de résurrection. Ce personnage et ses actions sont également ce qui a pu amener le lectorat à classer Le Jeu de la Trame comme étant de la Dark Fantasy. Sans compter les scènes érotiques, qui outre les premiers chapitres entre Keido et Kirike, ne sont pas exploitées (à mon sens) dans le but de faire avancé l'intrigue. Les autres personnages qui composent le récit sont malheureusement peu détaillés et dès qu'il s'agit des personnages féminins... N'attendez pas à y trouver la bonté qui manque à Keido. Les femmes sont comme lui, si ce n'est pire dans certains cas, se jouant de cet homme autant qu'elles peuvent se jouer de lui. Les deux personnages secondaires féminins que je retiendrai de ma lecture sont sans doute Soo-Iri et Naoyame, et elles sont toutes deux issues du premier opus Le Rêve et l’assassin. C'est dire si les auteurs ne s'encombrent pas des personnages secondaires dans la suite de l'ouvrage. Keido erra longtemps, découvrant toujours les mêmes scènes de place en place. Sur son chemin, il trouva des armes et une cotte de mailles qui sentait le sang et la sueur. Lorsqu'il parvint sur l'esplanade, devant la porte principale, il tomba en arrêt devant un spectacle macabre. Les têtes des soldats ennemis avaient été tranchées et entassées sous la lumière vive de dizaine de torches. Des gardes en armes allaient et venaient comme pour veiller sur un butin précieux. Keido contempla les visages exsangues et déformés par d'horribles grimaces. Des nuées de mouches bourdonnaient. Une odeur de sang s'exhalait, portée par le vent. Saisi soudain d'un haut le cœur, Keido s'éloigna et se coula dans l'ombre pour ne pas attirer l'attention des gardes.
L'écriture a quatre mains n'est sans doute pas chose aisée, et je dois dire que nos auteurs s'en sont tout de même sortis avec brio. Le style d'écriture du Jeu de la Trame est fluide et exempt de fioritures. L'arrivée d'un personnage clé à la toute fin du récit et bien trouvé, bien que faisant penser à un Deus Ex Machina, que j'exècre habituellement, mais qui apporte ici, un développement de la création de ce monde particulièrement intéressant. Et puis il a cette fin. Une fin certes vite expédiée qui aurait sans doute mérité un développement plus poussé, bien quelle offre un plot twist fort marquant, mais surtout une fin qui vient un tant soit peu rasséréner le lecteur sur une potentielle justice. En Bref : Un personnage principal détestable (Keido), des personnages secondaires qui font tapisserie, une trame redondance dans chacun des récits, et pourtant derrière Le Jeu de la Trame se cache pour moi un véritable coup de cœur. Parce que j'ai adoré détester Keido. Que les personnages secondaires sont justement secondaires et n'apportent de l'intérêt qu'à l'avancée du héros. Que la redondance est certes présente, mais elle est enjolivée de diverses manières, offrant pour chacun des opus une originalité supplémentaire. Parce que Le Jeu de la Trame est rythmé, nerveux dans l'action, sanguinolent à souhait. Que bien écrit il y a plus de 30 ans, lire ce titre en 2021, fonctionne encore très bien.
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